Rencontre du réseau de la recherche sur les antibiotiques : le marché ne peut pas tout

La recherche livre de nombreuses approches innovantes pour le développement de nouveaux antibiotiques, mais seuls quelques-uns parviennent au stade de médicaments commercialisables.

La rencontre de réseau « Promoting Innovative Antibiotic R&D in Switzerland », qui a eu lieu le 24 juin, a permis à des représentant·es du monde académique, de l'industrie, de la politique et des initiatives incitatives de réfléchir ensemble à la manière d'améliorer cette situation.

Le PNR 72 et le Pôle de recherche national NCCR AntiResist ont co-organisé un événement en ligne auquel ont assisté près de 100 personnes. La journée a été animée par Malcolm Page, membre du comité de direction du PNR 72, et grand spécialiste de la recherche sur les antibiotiques, tant académique qu'industrielle.

La conseillère aux Etats Maya Graf a ouvert les feux en présentant la problématique sous l'angle de la politique. Michael Altorfer, directeur de la Swiss Biotech Association, a ensuite montré que les mécanismes du marché ne sont plus à la hauteur depuis des années s'agissant du développement de nouveaux antibiotiques. Les prix des antibiotiques disponibles sont très bas, et les produits nouvellement développés doivent être vendus le moins possible de sorte à n'être utilisés, idéalement, que là où d'autres sont inefficaces, c'est-à-dire comme antibiotiques de réserve.

Une fois ce contexte posé, différents intervenants et intervenantes ont fait part de leurs réflexions sur la manière dont de nouveaux mécanismes pourraient assurer à l'avenir le renouvellement des antibiotiques, indispensable pour la médecine. Le rôle du secteur étatique a notamment été discuté, qui outre l'encouragement à la recherche fondamentale académique devrait aussi s'impliquer plus intensément à l'autre extrémité du processus : grâce à des systèmes de rémunération financière adéquats, il pourrait récompenser le développement de nouveaux médicaments au moment où ces derniers parviennent véritablement sur le marché.

Des pistes de ce genre sont déjà discutées depuis longtemps, sans avoir jusqu'à présent débouché sur des solutions convaincantes. Mais aujourd'hui, diverses initiatives incitatives comblent cette lacune, et ces actions et les possibilités qu'elles offrent ont été abordées par d'autres intervenants et intervenantes. On peut citer par exemple Kevin Outterson, directeur de CARB-X Global Partnership, qui soutient dans le monde entier les projets d'antibiotiques de petites et moyennes entreprises pharmaceutiques, principalement grâce au financement des Etats-Unis. Seamus O'Brien, directeur R&D chez GARDP (Global Antibiotic Research & Development Partnership), a montré comment son organisation internationale à but non lucratif promeut à tous les niveaux des initiatives très prometteuses pour de nouveaux antibiotiques. Quant à Thomas Cueni, directeur général de la IFPMA (International Federation of Pharmaceutical Manufacturers & Associations), il a exposé comment les grandes entreprises pharmaceutiques soutiennent par un fonds d'un milliard de dollars une sélection de projets menés par de plus petites sociétés.

Enfin, plusieurs interventions se sont également focalisées sur la recherche au sens strict, et ont montré qu'à haut niveau elle fournit de nombreuses approches. Du côté académique, il faut mentionner en particulier le PNR 72 et le NCCR AntiResist. Les représentant·es de nombreuses entreprises suisses ont également exposé et discuté leurs activités de recherche dans le domaine des antibiotiques, parmi eux Glenn Dale de BioVersys, Daniel Obrecht de Polyphor, Irene Wüthrich de Myria Biosciences, Laurenz Kellenberger de Basilea et Ken Bradley de Roche.

Le constat est très clair : la Suisse est un leader dans le domaine de la recherche sur les antibiotiques, aussi bien sur le plan académique que celui de l'industrie pharmaceutique. Néanmoins, il a aussi été démontré qu'un échange plus intensif entre ces deux mondes améliorerait les chances de nouveaux développements. Il existe déjà un instrument adéquat, à savoir la plate-forme Antibiotics de biotechnet, que son directeur Markus Seeger a présentée à l'assemblée. Le consensus est général : ce potentiel considérable ne peut être entièrement exploité que si le monde politique s'engage davantage pour la cause. Dans ce sens, la rencontre du 24 juin aura donné des impulsions importantes, qu'il s'agit maintenant de porter devant les politiques et la sphère publique.​​